Desigual, marque de prêt-à-porter qui explose littéralement depuis 6ans. Entreprise espagnole aujourd’hui largement ancrée dans l’esprit des consommateurs et représentant à merveille l’esprit ibérique a pourtant été créée par un suisse, et l’entreprise n’est déjà pas toute jeune car âgée de 30ans.
Si la place de Desigual est bien réelle, l’origine est un peu floue. La marque est lancée en 1984. Mais les réels premiers faits d’arme de Thomas Meyer se situent aux débuts des 80’s. Non, Desigual n’est pas une marque récente qui a bouleversé les codes. La griffe catalane grandit au fil du temps, mais il est vrai a su croître de manière exponentielle ces dernières années. Focus sur un phénomène.
La vida es chula (la vie est chouette) ! C’est l’histoire d’un gamin tout juste majeur qui tombe amoureux de l’espagne. « Designer », il est à Ibiza, où il vend des t-shirts qu’il customise aux touristes, mais surtout des fringues d’occasion, le suisse tient une friperie. Ses propres conceptions aux couleurs flashy sont accrochées à une cabine téléphonique. Un jour, son stock de jean’s grossissant, il va à grands coup de ciseaux confectionner des blousons. C’est en 1984 qu’il crée un bomber en patchwork qu’il baptisera Desigual (« pas pareil » en français). Succès immédiat. Le flower power, et Ibiza aidant, est relancé. Tissus fleuris, couleurs tape-à-l’œil et patchwork, mélange de matières : la vie est chouette. Inspiré, un peu rêveur, la vie est un assemblage de couleur pour le jeune suisse qui, aujourd’hui encore, trente ans plus tard, garde ce leitmotiv. L’origine de chaque nouvelle collection est une phrase d’inspiration, une idée qui sera déclinée en « fringues ».
Le succès est rapide et flatteur. L’Espagne et l’Allemagne sont friands de cette marque qui « fait de la fringue joyeuse ». Mais c’est tout. Meyer est un rêveur et designer fantasque. Ce sera en 2000, à la nomination de Manel Adell comme Directeur Général (jusqu’en 2012) de la marque que l’envol commencera. La marque est non-conventionnelle, différente, distinguante ; et Adell compte bien jouer sur cette exubérance imaginée par Meyer. Les gammes Femme et Homme trouvent leurs publics dans le monde entier grâce à ce décalage dont fait preuve la marque, et la gamme Enfant nouvellement crée devrait en faire autant. En 10ans (2003-2013) le chiffre d’affaires de la marque est multiplié par 90. Elle est présente dans 108 pays et dans plus de 10000 points de vente (magasins de la marque, magasins multi-marques) ; avec notamment 25 magasins et 1200 points de vente en Allemagne. A titre de comparaison, Mango, qui semble être plus agée que Desigual dans l’inconscient des fashionistas françaises, ne dispose que de 2600 points de vente à travers le monde. L’ouverture vers les Etats-Unis, la Russie, le Brésil et le Moyen-Orient devrait assoir encore plus la marque. En 2001, la société ne comptait que quarante salariés pour un chiffre d’affaires de 8M€. En 2007, le CA montait à 80M€. Aujourd’hui, ce sont près de 3000 personnes, dont 400 au siège, pour un chiffre d’affaires de plus de 800M€.
Il est aisé d’imaginer croiser des beatniks ou des hippies dans les locaux de la direction à Barcelone. Le « Flower Power » étant dans l’inconscient des consommateurs comme le cœur de la marque. Pourtant il n’en est rien. Au siège de la marque, grand building de verre de 14000m², vous croiserez des hommes et femmes en costumes tailleurs sombres. Le gris, le noir ou le marron sont bien plus présent que l’explosion de couleur sur laquelle la marque s’est fabriquée son image. Les objectifs sont sérieux et réfléchis.
A contrario, les vitrines attirent, les plafonds proposent des sous-vêtements, des grands écrans font défiler les mannequins. La marque veut « toucher les sens ». Par ailleurs, tout évènement est source de « coup marketing ». A la manière de Virgin et Branson, tout est excuse à s’amuser, ancrer son image « friendly » et créer l’évènement. Entre la « Seminaked party » qui récompense les 100 premiers clients qui arrivent en sous-vêtements à l’ouverture des soldes repartant vêtus en Desigual (c’était le cas en 2012 à Lyon et en 2013 à Paris pour les soldes d’hiver) ; ou le « Kiss tour » ou comment gagner un tee-shirt en s’embrassant, ou encore des cordes à linge garnies de vêtements de la griffe en « libre service » pour une inauguration de boutique ; les évènements Desigual sont des succès rassemblant des milliers de personnes. Leur slogan interne : « fun et profit ». Le marketing est clivant certainement, provoquant assurément, mais efficace diablement. « Desigual, no es lo mismo » ; Desigual, ce n’est pas pareil. Différenciant de par ses créations et l’assumant de par ses campagnes marketing, Desigual doit être reconnaissable d’entre tous. Les phrases, parfois ravageuses, ne viennent que confirmer cette option prise et réussie ; « tu ne rentreras pas seule », « tu décides », « fais-le le matin ». Le but ultime : « placer un article de la marque dans chaque armoire » martèle Manel Jadraque, le nouveau Directeur depuis 2013.
Une phrase d’inspiration de Meyer est toujours la base de chaque collection, d’environ 1000 pièces. Mais Desigual ne s’arrête plus à ses créations propres. A chaque saison, les 120 designers de la marque dessinent donc 1000 pièces, mais laissent aussi la place à Christian Lacroix qui signe une collection de quelques pièces depuis 2011, « Desigual by Lacroix ». La collaboration ponctuelle en 2012 avec le Cirque du Soleil pour une collection bercée par le rêve et la magie a été une réussite. Desigual va décidément à contre-courant, ignorant tendances et dictas.
La marque catalane impose aujourd’hui ses propres dictas, sa vision colorée, en contre-pied total du reste du monde. Comme le faisait Thomas Mayer près de sa cabine téléphonique finalement, mais à bien plus grande échelle.
Mercredi 9 Juillet 2014 La Rédaction