En ces temps de crise, la Forge de Laguiole attire particulièrement l’attention. Pas pour les difficultés qu’elle a traversées, cela n’a rien de particulier, mais par la gestion pour le moins particulière mise en place par son manager afin de sortir l’entreprise de la crise actuelle.
Les difficultés connues par la Forge de Laguiole ne sont pas une exception. En ces temps de crise, ce ne sont pas les entreprises en difficulté qui manquent. Ce qui retient l’attention par contre, c’est la méthode utilisée par son directeur pour régler la crise.
En 2007, la Forge Laguiole a connu, à cause de la contrefaçon de ses célèbres couteaux, des difficultés financières qui l’ont conduite au bord du dépôt de bilan. Heureusement pour elle, elle a été rachetée par Thierry Moysset, un fils du terroir qui connaissait la valeur du produit qu’il venait d’acquérir. Il est en effet conscient que les atouts de sa société sont l’image de la région, le nom de Laguiole, le design et surtout la haute qualification incomparable de ses ouvriers. Sa stratégie est claire depuis le début ; au lieu de se lancer dans une concurrence avec les contrefaiseurs, il va produire des couteaux de la meilleure qualité possible, et ceci, en ne comptant que sur le savoir-faire de ses employés.
Fort de cette vision, il entreprit la démécanisation de l’entreprise, pour redonner sa place au savoir-faire des artisans locaux. Les employés furent les premiers abasourdis quand Moysset leur déclara qu’ils étaient la première richesse de l’entreprise et qu’il ne comptait que sur eux ; et que par conséquent, il serait fait un grand feu dans lequel les plans et toute la documentation de l’usine seraient brûlés. “Vous n’en avez pas besoin, vous avez tout dans la tête et dans les mains. Et si quelqu’un a un trou de mémoire, il demandera à son voisin” a-t-il poursuivit.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Pour sauvegarder ses précieux 40 monteurs de couteaux, il a par conséquent amélioré les conditions de travail et réorganisé le chantier. Des mesures ont été prises afin de baisser les risques encourus par les travailleurs. De plus, le PDG de la Forge compte obtenir une IGP industrielle afin de protéger ses fabrications et de valoriser le Made in France. Il a d’ailleurs montré la voie sur ce chemin, en privilégiant les composants français pour la fabrication de ses couteaux. De nombreux projets sont en outre régulièrement mis en œuvre afin de lutter contre la morosité des employés, faisant participer tout le monde à la vie de l’entreprise, les idées descendant aussi régulièrement vers les employés qu’elles en remontent.
Bien que les méthodes managériales de Thierry Moysset soient pour le moins inhabituelles, elles sont indubitablement efficaces. La société au bord du gouffre en 2007, a déjà dépassé la barre des 10 millions d’euros de chiffre d’affaires pour un personnel de 150 employés. Un partenariat avec Montblanc permet aujourd’hui à Laguiole d’être présent dans toutes les boutiques de luxe au monde, avec un carnet de commandes 2014 bien rempli. Le défi principal pour la société et pour son manager va être dès lors d’inciter les jeunes à prendre la relève de la génération sortante, et de conserver les compétences qui ont fait la renommée du village de l’Aubrac.