Le torchon a finalement brûlé entre Bouygues Telecom et Orange. L’opérateur historique ne rachètera pas au groupe industriel sa filiale. L’opération s’est révélée trop complexe avec des divergences de points de vue énormes, chacune des parties campant sur sa position et refusant de faire des concessions. Après trois mois de longues et vives négociations, quelles sont donc les raisons profondes de cet échec ?
À la base, il était prévu que Bouygues prenne d’abord 12 % du capital d’Orange, grâce à une augmentation de capital réservée, puis monterait à 15 %. Mais, Emmanuel Macron, le Ministre français de l’Economie et des Finances, essaya de limiter autant que possible l’influence de l’homme d’affaires. La filiale ne pourrait être rachetée qu’à condition que Bouygues ne puisse monter au-delà de 12% du capital pendant sept ans et qu’il renonce à ses droits de vote double pendant dix ans. C’était là des conditions inacceptables pour Martin Bouygues qui se serait retrouvé pieds et mains liés. Il y avait clairement un écart de valeur entre la proposition de l’État, celle d’Orange et les attentes de Bouygues.
Les discussions impliquaient non seulement l’État, actionnaire d’Orange à hauteur de 23 %, mais aussi SFR et Free qui devaient récupérer des actifs de Bouygues Telecom. Une fois l’accord signé entre les différentes parties, Bouygues devait encore attendre le feu vert de l’Autorité de la concurrence qui ne se serait pas prononcée avant 2017. Si le dossier était rejeté, la filiale perdrait gros et aurait ainsi pris un retard “fatal” par rapport à ses concurrents. Pour Bouygues, il était hors de question de faire courir de pareils risques à sa maison-mère, surtout avec les conditions imposées.
L’impossibilité pour Martin Bouygues et Xavier Niel de s’entendre sur les modalités de répartition de certains actifs de Free constitue un autre élément qui a corsé la situation. Xavier Niel qui craignait en effet d’acheter une chose dont il ne pourrait disposer, a posé une condition suspensive du contrat, s’il ne pouvait récupérer au moins 75 % des baux des toits-terrasses où sont installées les antennes. Cela lui aurait permis « d’avoir le maximum en payant le minimum, tout en gardant la possibilité de se retirer». Par ailleurs, d’après certains observateurs du secteur, Martin Bouygues ne parlerait pas à Xavier Niel qui lui aussi ne parlerait pas avec Patrick Drahi, patron de SFR. Ces analyses nous portent de toute évidence à la conclusion que ce rachat était, dès le départ, irrémédiablement voué à l’échec.
Jeudi 28 Avril 2016 La Rédaction