La crise des devises touche de manière significative les économies des pays émergents qui auront beaucoup de mal à rester à l’abri d’un important ralentissement de l’activité économique. La conséquence sera que les baisses de performance enregistrées sur leurs marchés financiers se prolongeront.
Jeudi dernier, la banque centrale turque a relevé d’au moins 6 % son taux directeur dans une tentative pour réfréner la chute continue de la livre qui, depuis janvier 2018, a perdu environ 40 % de sa valeur face à la devise américaine. L’Argentine, de son côté, a de grandes difficultés à maintenir la stabilité du peso qui a régressé de plus de 50 % contre le dollar, malgré l’imposition de taux d’intérêts répressifs fixés à 60 %. Plusieurs autres devises émergentes ont également fait le plongeon, comme c’est le cas de la roupie indienne flirtant avec les plus bas records alors que le réal brésilien, le rouble russe, et le rand d’Afrique du Sud ont, depuis le début de cette année, dégringolé de 15 % à 20 %.
Les nombreux mois de troubles financiers commencent ainsi à se répercuter sur les économies de ces pays dits émergents. Au cours du deuxième trimestre de l’année, l’Afrique du Sud est brusquement entrée dans une phase de recul du rythme de sa croissance. L’Argentine semble sur le point de marcher sur ses traces et l’économie du pays de Tayyip Recep Erdogan, pour sa part, est en voie de connaître un important ralentissement en 2019.
Le responsable de la recherche économique pour l’Europe centrale et de l’Est et l’Afrique subsaharienne de HSBC, Murat Ulgen, a affirmé que le renforcement de la devise américaine et l’accroissement à court terme des taux américains ont pour impact le durcissement des conditions financières au niveau des marchés émergents, particulièrement pour les économies en situation de déficit. Les Bourses émergentes en décote de 20 % sont entrées dans ce que l’on appelle techniquement un marché baissier depuis qu’elles ont atteints leurs pics en janvier.
Les flux des capitaux auront un rôle primordial à jouer dans l’aptitude des économies plus fragiles à sortir de cette crise. D’après HSBC, des capitaux considérables avaient été octroyés l’année passée aux marchés émergents. Les marchés de crédit avaient ainsi vu l’entrée de 70 milliards de dollars et les marchés des titres, 65 milliards de dollars. Toujours selon HSBC, après avoir connu cette année des débuts pleins de promesses, les flux ont pris le contrepied de ce fleurissement sur le marché des obligations. Cela a provoqué le retrait de 27,5 milliards de dollars, soit la moitié des fonds initialement placés jusqu’en fin mai sur les Bourses des émergents. Luis Organes de JP Morgan a prévenu qu’une fin brusque des entrées des fonds sur les marchés émergents et les effets rétroactifs à connotation négative devraient se faire ressentir par une longue phase d’ajustement pour les pays dont les comptes courants sont en nets déficits.