Onze ans après la guerre d’Irak, une organisation djihadiste tente de contrôler le pays par des interventions armées sur fond de mécontentement au gouvernement central. Ces offensives sont perpétrées par l’EIIL ou l’Etat islamique en Irak et au Levant (ISIS en anglais et dDa’ech en arabe), une alliance des djihadistes avec des tribus sunnites locales.
La guerre menée par les djihadistes sunnites de l’EIIL pourrait redessiner les frontières du Moyen-Orient comme l’a démontré la spécialiste américaine du Moyen-Orient Robin Wright dans une tribune au New York Times, mais les enjeux de cette guerre ne sont pas seulement géopolitiques. Cette escalade sunnite en Irak pourrait avoir une importante répercussion sur le pétrole, une situation que les Occidentaux craignent.
Après la prise de la deuxième ville d’Irak Mossoul par les djihadistes sunnites, l’hypothèse sur l’implosion du pays se confirme davantage. L’éclatement ne concerne pas seulement l’Irak mais aussi le Moyen Orient étant donné que l’EIIL compte poursuivre son implantation autour de son fief de Raqqa. Avec son objectif d’instaurer un « califat » islamique sur les zones occupées, l’EIIL pourrait mettre fin aux frontières héritées de l’empire ottoman et de la période coloniale. Les sunnites sont entassés entre la Syrie et le nord de l’Irak. Ce qui pourrait diviser en trois Etats la Syrie (Kurde, Alaouite et Sunnite) et l’Irak (Sunnite, Chiite et Kurde) alors que c’était pour éviter ce scenario que George Bush avait décidé de mettre fin à la guerre du Golfe en 1991. Les djihadistes sunnites sont sur le point de finir la quête menée par les Kurdes dans le nord de l’Irak sur son autonomie à l’égard du gouvernement central à majorité chiite. Le Kurdistan irakien s’affirme comme un Etat indépendant depuis qu’il exporte son pétrole sans l’aval de Bagdad. Trois jours après la prise de Mossoul, les djihadistes ont assiégé la capitale de la province de Salah ad-Din, Tikrit, et continuent d’avancer vers Bagdad. En effet, l’EIIL continue de prendre d’assaut plusieurs villes au Sud, à une centaine de kilomètres de la capitale. La souveraineté de l’Irak et le pétrole sont mis en cause.
L’offensive des islamistes sunnites en Irak met une pression sur le marché avec l’enjeu sur le pétrole qu’elle pourrait engendrer. Certes, les exportations ne sont pas encore menacées mais le cours du pétrole a déjà commencé à grimper. La majorité des champs pétroliers sont entassés dans le nord et au centre de l’Irak. Et jeudi dernier, les islamistes sunnites ont déjà encerclé le champ de Bai Hassan et la raffinerie de Baiji qui produit 320.000 barils par jour. Néanmoins, l’offensive des djihadistes n’a pas encore touché le sud, près du Golfe persique et de la ville de Bassorah, où sont regroupées les principales zones d’exploitation pétrolière du pays. A noter que l’Irak exporte actuellement 3,5 millions de barils par jour, soit l’équivalent de son niveau de production dans les années 70, après une baisse à 2 millions lors de l’intervention américaine en 2003. La production pétrolière est le moteur de la croissance du pays et constitue 4% de la demande mondiale. En fin de semaine dernière, le baril de Brent bondissait à 112 dollars – son plus haut niveau depuis le début de l’année – alors que le cours oscillait entre 105 et 111 dollars. Mais la nervosité du marché est stimulée sur l’intérêt que pourrait porter l’EIIL en contrôlant la chaîne de production pétrolière en Irak. En effet, celui qui contrôle le pétrole possède un important levier sur le marché international. Et l’EIIL pourrait l’utiliser pour financer la guerre en Syrie, d’autant plus que le financement actuel de l’organisation s’appuie sur la vente de pétrole de la région sur le marché noir et le prélèvement d’un impôt dans les zones occupées. Selon certaines informations, l’escalade de Mossoul a permis à l’organisation de récolter 300 millions de dollars. Mais ce qui pourrait affecter de près l’équilibre du marché du pétrole sera la position que l’EIIL va prendre en s’emparant du pouvoir central. La première option est que les djihadistes pourraient menacer par exemple de réduire les exportations à certains pays. La seconde option est qu’ils pourraient inonder le marché de pétrole. Dans tous les cas, les offensives djihadistes ou plus précisément leur prise de contrôle pourraient faire fuir les entreprises américaines et pourraient avoir un impact potentiel sur la production.
23 juin 2014 La Rédaction