A 16ans, Paul Morlet, jeune lyonnais pas vraiment en réussite scolaire, donne des cours d’informatique dans des maisons de retraites du Grand Lyon. Depuis, l’ado passé par un BEP électricien, puis par un bac pro en alternance a fait du chemin ; même si son nom ne vous dit probablement rien.
5000€. C’est la mise de départ de ce « démerdeur … qui créé son propre boulot … loin des entrepreneurs trentenaires sortis d’écoles de commerce », pour reprendre ses propres termes. En 4 années, ce « gones » s’est imposé dans le paysage français comme un self-made-man et ne risque pas de freiner ses ardeurs ; il est à lui-seul un contre-pied au frein à l’activité et à l’innovation dont doivent faire face bon nombre de français au désir d’entreprendre.
A 20ans, Paul Morlet, en regardant une partie de poker à la télévision, a une idée. Il se rend compte que la pub est partout, sauf sur les lunettes que portent certains joueurs. Un créneau dans lequel il espère prendre un peu de place. Un procédé simple et plus qu’artisanal. Morlet se fait livrer les montures et les verres d’Asie ; il imprime ses filtres et enfin découpe et colle lui-même à la main les filtres sur les verres préalablement démontés. LuluFrenchie s’annonce donc comme une petite entreprise artisanale. Malin, le jeune entrepreneur imagine mieux que de se cantonner à faire ses collages et personnalise lui-même certains modèles et les transmet aux sportifs, chanteurs, dj et autres leaders d’opinion. Bingo ! Le show-biz porte ses lunettes et s’affiche avec dans les magazines people. Ses petites lunettes qu’il assemble chez lui sont vues par des centaines de milliers de personnes. C’est un vrai coup de génie marketing. A la manière de Mohamed Dia qui prêtait ses créations vestimentaires pour des prestations de people et en retirait une exposition médiatique maximale, Morlet a eu cet instinct et ce que d’aucun appellerait du culot. Bien lui en a pris. L’emballement est immédiat. « Revers de médaille » de ce coup de pub : les ventes croissent de manière exponentielle et il ne peut plus suivre les commandes. S’en suit l’acquisition d’une machine afin d’industrialiser le processus de personnalisation et le recrutement de 6 salariés. Après dix bons milliers de lunettes personnalisées avec ses ciseaux et son sèche-cheveux, Morlet passe la seconde. Avec un chiffre d’affaires d’un million d’euros en 2012 puis 50% de plus l’année suivante, LuluFrenchie est incontestablement le leader de la lunette publicitaire et livre partout en 24h, garantit.
Après le lancement de LuluFrenchie, Paul Morlet se lance un nouveau pari. Sa nouvelle société aurait pu s’appeler MD10 ou MD30. Son concept, que les gens puissent ressortir de sa boutique en 10 minutes avec leurs lunettes (verres simples) pour moins de 10 euros ; ou en 30 minutes avec verres progressifs pour moins de 30 euros. Lunettes pour tous a ouvert ses portes il y a presque six mois. Cette unique boutique, au cœur de Paris, ne désemplit pas. On y vient de partout, et pour cause, l’offre est imbattable. La clientèle visée par Morlet : tout le monde, sans exception. Comprenez, les personnes ayant peu de moyens et une couverture sociale qui ne permet pas l’achat de lunettes correctrices. Vous n’y trouverez pas des montures de marque, assurément. Les montures sont fabriquées en Chine, et les verres viennent de Corée du sud (comme la plupart des verres du marché d’ailleurs), dans un souci de tarifs. « C’est en créant notre propre marque que nous pouvons vous proposer des montures à 4.99€ et 19.99€ …. et en se passant des intermédiaires » précise la société sur son site internet. Ces deux tarifs sont des prix d’appels, les « 1er prix ». Le reste est à coup d’options.
Une chose est sûr, en plus du slogan marketing, le jeune entrepreneur a vu les choses en grand et ne laisse rien au hasard dans sa boutique agencée telle un Apple Store. Les conseillers de la boutique, tous issus des filières optiques (BTS ou Bac pro), sont équipés d’iPad et d’une application permettant d’essayer virtuellement la monture désirée par le client ; ainsi qu’un compteur. 80% des ventes devront en effet se conclure en 10 minutes. Ceci est possible grâce au stock de Lunettes pour tous et surtout grâce à leur machine de taille de verres. Un investissement considérable, mais qui permet à la boutique de tourner à plein régime et de satisfaire à ses objectifs. Les verres (basic, premium et freeform) sont donc finaliser sur place, sauf dans le cas de fortes corrections, et l’assemblage aussi. Le temps moyen entre la prise en charge par un conseiller et la sortie de la boutique avec ses lunettes est de 30 minutes. Une réactivité record. Enfin, parallèlement, un client peut faire un examen de vue grâce à la salle de réfraction à disposition et des deux optométristes à son service.
LuluFrenchie a connu une croissance exponentielle grâce à un coup de pub de premier ordre. Après un semestre d’existence, Lunettes pour tous prend vraisemblablement la même voie. Quand un opticien vend 3 paires de lunettes par jour, la jeune société en vend jusqu’à 250 aujourd’hui.
Seul problème, un des préceptes est dès lors remis en cause : la réactivité. La société fait face à son succès et, qui plus est depuis le reportage de Capital pour M6, la file d’attente est longue et il faut en moyenne deux heures avant d’être pris en charge par un conseiller. Le délai moyen pour ressortir de la boutique est lui aussi allongé, en témoigne les clients prenant leur mal en patience dans un coin de boutique. Paul Morlet réussira-t-il ce défi des désagréments d’une croissance rapide, car les difficultés sont tout autres que celles auxquelles il a du faire face avec LuluFrenchie qui n’avait pas de boutique physique.
Et s’il ne restait à Morlet qu’à créer une franchise et multiplier les boutiques…
Mercredi 15 Octobre 2014 La Rédaction