Sport le plus joué au monde, le football nécessite peu de chose : un ballon ou même une simple balle. Le football touche toute la planète. Loin devant les jeux olympiques d’été, une Coupe du Monde FIFA est l’évènement attirant le plus de spectateurs, physiques ou devant leur télé. Ceci génère par conséquent un énorme marché, en explosion ces dernières années avec une commercialisation affutée faisant croître investissements, merchandising, droits de diffusion télévisuelle, prix des joueurs et salaires.
La FIFA (Federation International Football Association) est une association à but non-lucratif regroupant en son sein plus de 200 associations (les fédérations nationales). Elle gère et développe le football dans le monde. Comment le football peut-il alors être un facteur de développement notoire ?
La FIFA, en déterminant par vote l’heureux pays hôte d’une Coupe du monde de football, met en route des travaux de plusieurs années pour préparer la compétition décernée. Outre son activité de formation d’entraîneurs, elle devra mettre en œuvre la construction de terrains, de stades, de centres d’accueil parfois, et aider au développement des structures sur place. Le développement d’infrastructures est donc au centre des enjeux. La Coupe du Monde en Afrique du sud de 2010 « doit permettre de développer les infrastructures du pays, peu importe les résultats de l’équipe nationale » espérait Mark Fish, ancien joueur de la sélection d’Afrique du sud. Le football a cette capacité de contribuer à bâtir. Une FIFA World Cup peut être un accélérateur très important. Dix stades sont à construire ou rénover et les équipements d’accueils seront à créer. Les métropoles concernées accélèrent la réalisation des équipements répondant à des besoins certifiés et gagnent entre 10 et 15ans quant à leurs évolutions. Aussi, des zones « dégradées » peuvent se transformer en nouveau pôle urbain, comme cela a été le cas autour du Stade de France. Des stratégies de reconversions de zones urbaines par des programmes diversifiés sont donc prises en amont. Afin, à terme, d’attirer des sociétés nationales ou internationales.
La FIFA a des principes simples que se doivent de mettre en place les pays organisateurs. En matière diplomatique, ce sont les résolutions de l’ONU qui devront être impérativement respectées. Football for Hope est un programme mis en place en 2004 qui a pour but de faciliter l’intégration sociale par le football, aider à l’éducation, la santé et tenter de contribuer à la paix ; bien loin est le temps où cette même FIFA interdisait les matches de football féminin (qui se déroulaient pourtant devant des milliers de spectateurs) en 1921. C’est un rôle symbolique, et beaucoup d’évènements comme l’attaque du bus de la sélection Togolaise pendant la Coupe d’Afrique des Nations en Angola en 2010 le rappellent. Kofi Annan qualifiait le football de « sport qui a l’incroyable faculté de catalyser les changements positifs dans ce monde ; je ne connais rien d’autre qui sache unir les peuples comme le football. ». Par son universalité, le football ouvre au monde en voyageant d’un continent à l’autre, d’un peuple de football à une région où le ballon rond n’existe quasiment pas. L’image du pays organisateur est en jeu. Tous les regards braqués sur lui pendant un mois (+ de 10000 journalistes sur place et environ 35 milliards de téléspectateurs cumulés en moyenne par évènement), il devra prouver d’une organisation sans faille, d’infrastructures accueillantes et de qualité et faire en sorte que l’évènement soit un vecteur de cohésion sociale pour son pays ; l’évènement devenant le reflet (tronqué ou pas) de ce que représente le pays. Michel Platini, président de l’UEFA (l’instance de football européenne) avait d’ailleurs précisé à Pierre Bérégovoy, 1er ministre français en 1992, « c’est un projet d’intérêt national plus important qu’un G7 car les douze mille journalistes présents vont pouvoir juger de la qualité des transports, des hôtels, de la nourriture, de l’accueil : ils vont juger la France ! ». Des objectifs d’image et de reconnaissance internationale sont donc imaginés et instaurés. Les villes et le pays recevant l’évènement appartiennent, sur la période de celui-ci, au monde entier.
Une Coupe du Monde de football n’est pas simplement l’évènement sportif le plus regardé dans le monde ; c’est une entreprise, et une entreprise qui tourne. L’économie autour de la FIFA pèse 250 milliards de dollars. Depuis la Coupe du Monde 1998, l’activité touristique pendant l’évènement a été prise en compte. Quand jusqu’en 1994, les sélections et leurs staffs restaient cantonnés à un stade où se dérouleraient leurs matches pendant la phase qualificative (afin de faciliter la logistique notamment), depuis la Coupe du Monde en France, une équipe ne peut pas jouer dans un même stade ses matchs de qualifications. Ainsi, si les équipes et leurs staffs voyagent, ce sont tous leurs supporteurs qui traverseront eux-aussi le pays. C’est d’ailleurs sur ce point que la France a décroché le sésame en 1992 ; 1er pays touristique mondial. Le président sud-africain, hôte de la dernière Coupe du Monde FIFA en 2010, n’espérait pas moins que la création de 150 000 emplois ; en partie grâce à la dite construction des équipements. En effet, l’impact des événements est très structurant en matière d’infrastructures de transports et liées à l ‘évènement. Des dépenses d’investissement supérieures à 500 millions d’euros, pour une facture finale de plus d’un milliard incluant la construction ou rénovation des réseaux de transport, les frais d’organisation et de fonctionnement, et les cérémonies d’ouverture et de clotûre ; l’essentiel financé par le mechandising et les collectivités. Le levier immédiat se ressent essentiellement pour l’emploi, l’immobilier et le tourisme. Mais la question de la rentabilité revient. Elle ne peut trouver sa réponse que plusieurs années après, malgré l’anticipation des acteurs sur l’usage futur des infrastructures ; mais le principal vainqueur est le tourisme et tous les domaines qu’il peut rassembler.
Si l’organisateur est aussi le vainqueur, les effets précédemment présentés sont maximisés. L’exemple de la France championne du monde sur ses terres a renforcé la cohésion sociale, a vu le moral faire un bond, et a accéléré la reprise économique au niveau national avec une croissance dépassant 3% sur un an (+6% sur le seul trimestre suivant).. La victoire italienne en 2006 a amenée 4.4% de croissance en plus sur un an.
Déficit, endettement des villes, coûts de fonctionnement des équipements trop élevés ; ce sont les principaux risques qui viennent à l’esprit. Dans le processus pré-événement, on pourrait parler des risques de mégalomanie en voulant construire des infrastructures trop importantes et qui seront peu utilisées post-événement (comme Séville et son stade olympique construit en 1999), des risques de prévisions trop optimistes qui tronqueraient l’amortissement des investissements consentis ou encore les risques environnementaux et écologiques qui seraient négligés.
Si chaque Coupe du Monde intervient dans des contextes politique, géopolitique, culturel économique et urbain différents, il est indispensable de prendre ces risques en compte afin de ne pas être ensevelis sous les dettes comme celle de Barcelone qui représente 20% de sa capacité d’investissement jusqu’en 2017, et ce depuis 1992. Et surtout, ne pas oublier que si la Coupe du Monde est une entreprise qui peut rapporter gros, elle est aussi dépendante du climat économique ambiant et que son impact ou non sur les villes et populations dépendra d’autres facteurs, notamment en termes structurels. Ainsi, la Banque ABN Amro avait déterminée en 2006 qu’un Champion du Monde de football profitait d’un bonus de 0.7% de croissance en moyenne. Par conséquent, même si les effets macroéconomiques sont non-négligeables, les leviers ne sont pas si puissants qu’on pense et ne peuvent renverser à eux seuls une crise déja profondément ancrées. Il n’y a finalement pas de miracles, même dans le football.