Les Etats-Unis ne soutiennent plus uniquement financièrement leur politique étrangère, ils le font géopolitiquement. La mise en embargo de certains états est l’un des principaux moyens utilisés et c’est à ce propos que la BNP Paribas a fauté. Résultat des courses, elle paiera une amende de presque 9 milliards de dollars. Retour sur une amende exceptionnellement élevée.
Après de nombreuses enquêtes, négociations et plaidoyers, BNP Paribas a accepté de payer l’amende imposée par les USA pour avoir enfreint ses réglementations en matière financière.
La première banque de France était accusée par Washington d’avoir violé l’embargo placé sur l’Iran, le Soudan et Cuba en finançant de 2000 à 2012 des entreprises issues de ces pays. Même si cette pratique n’est pas contraire à la législation européenne, les paiements ont été faits en dollars, ce qui les place sous la compétence juridictionnelle des USA, en vertu du principe de la protection de la souveraineté étatique. C’est pour éviter les poursuites pénales à l’issue incertaine que la banque a, au bout de plusieurs mois d’ardues négociations, plaidé coupable devant un tribunal américain.
Après la reconnaissance de sa culpabilité, BNP Paribas s’est vu imposer une amende de 8.834 milliards de dollars. Cette dernière, la plus sévère que les Etats Unis aient jamais imposée à une banque étrangère a fait réagir les autorités françaises. « Nous sommes en droit de demander un certain équilibre » avait déclaré le ministre de l’économie tandis que celui des affaires étrangères prévenait contre les éventuelles répercussions de cette amende sur l’accord de libre échange entre l’Union Européenne et les Etats Unis. François Hollande a également tenté une intercession en faveur de la banque auprès de son homologue américain qui a déclaré ne pas vouloir se mêler de l’affaire. Le montant de l’amende a donc été maintenu, les autorités américaines le justifiant par plusieurs raisons. La sensibilité des américains au sujet de l’embargo, la volonté des autorités américaines de faire payer les banques et l’imprudence de la banque elle-même en sont quelques unes. Cette dernière aurait continué les actes répréhensibles bien après le début de l’enquête américaine et malgré les avertissements de certains cadres en interne. De plus, la banque a, selon le ministre de la justice américaine : « déployé d’énormes efforts pour dissimuler des transactions interdites, brouiller les pistes et tromper les autorités américaines ». Les documents judiciaires ont en effet dévoilé des pratiques systématiques couvertes par des dirigeants de haut niveau. Autant de fautes qui lui ont valu une si sévère sanction, les autorités américaine étant résolues à ne pas la laisser s’en tirer à si bon compte.
L’amende n’est pas cependant la seule sanction de la banque. Sous pression des autorités américaines, elle a dû licencier une douzaine d’employés, parmi lesquels deux hauts dirigeants. Plusieurs dizaines d’employés ont également été sanctionné à des degrés divers. La banque voit également son activité de compensation en dollars suspendue pendant un an pour les activités concernées, le pétrole et le gaz. Cette sanction entrant en vigueur à partir de janvier 2015, elle dispose donc de quelques mois encore pour trouver une institution qui règlera pour elle les paiements en dollars dans ces activités.
Face à ce dossier, les dirigeants de la banque ont tenu à présenter des excuses. Son directeur général Jean-Laurent Bonnafé s’est excusé d’abord auprès des 180.000 salariés du groupe par iTélé, puis publiquement. « Nous exprimons nos regrets pour ces erreurs passées, (…) certaines défaillances identifiées lors de cette enquête sont contraires aux principes éthiques que BNP Paribas a toujours cherché à respecter » a-t-il écrit dans un communiqué. « Nous faisons face et nous organisons pour que ces sanctions ne perturbent en rien le bon fonctionnement de la banque. Notre plan de développement stratégique n’est pas remis en cause, y compris aux Etats-Unis » a assuré l’un des proches collaborateurs. Le groupe rassure par ailleurs ses clients et ses actionnaires par rapport au paiement de l’amende. « Le groupe présente une situation de solvabilité et de liquidité tout à fait solide, qui va lui permettre d’absorber les conséquences anticipées de ces sanctions », a déclaré l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Les dépôts des clients ne seront en aucun cas menacés car ils sont protégés par le fond de garantie de dépôt bancaire. Le gouverneur de la banque de France assurait d’ailleurs « Ça ne veut pas dire du tout que ça met en péril BNP Paribas, il faut que ses clients soient absolument rassurés, mais ça peut réduire sa capacité à distribuer du crédit dans l’ensemble du monde et dans l’économie française ». Les actionnaires n’auront également rien à craindre puisque leurs dividendes ne seront pas atteints par la colossale amende.
Vendredi 11 Juillet 2014 La Rédaction