Dans le cas d’un Brexit sans accord, les plateformes spécialisées dans les négociations d’obligations ainsi que les banques de placement d’emprunts d’État (SVT) membres de l’Union européenne craignent de se voir priver du « passeport européen ». Ils accélèrent donc les différents projets destinés à relocaliser leurs activités en Europe.
La semaine dernière, le London Stock Exchange a pris la décision de convoyer vers Milan 1/5 des 13,4 milliards d’euros qui sont quotidiennement échangés sur sa plateforme MTS, tout en conservant à Londres les échanges concernant les Gilts. Cette initiative n’est pas différente de celle de Broker Tec qui envisage de délocaliser au mois de février toutes les opérations de repo de même que les dettes souveraines en euro à Amsterdam. D’autres plateformes comme celles de négociations électroniques qui affichent les meilleures des offres de nombreux courtiers tels que MarketAxess ou encore Tradeweb, se sont elles aussi apprêtées à basculer certaines de leurs opérations vers Amsterdam.
La décision prise par MTS traduit la volonté du secteur de ne pas perdre tous les droits que confère le passeport européen. Celui-ci permet, en effet, à une entité dûment enregistrée dans un des États membres de l’Union européenne de vendre ses services dans le reste de l’Union. Cette importante faculté induit le fait qu’une grande partie des dizaines de milliards d’euros quotidiennement échangés sur le marché de la dette souveraine transite via Londres à cause de la forte concentration d’intermédiaires spécialisés, de banques d’investissement et de plateformes de négociations dans la City.
Les craintes à propos d’un Brexit sans accord et d’un retrait du passeport européen se sont accentuées avec le risque imminent que l’accord de sortie que Londres et Bruxelles ont négocié (et qui a obtenu validation de l’UE ce week-end) ne reçoive pas un avis favorable des députés britanniques.
Dans le cas où l’accord sera validé, le passeport européen resterait toujours en vigueur pendant une période transitoire. À l’issue de cette période, l’entrée à l’Union européenne se ferait par un mécanisme d’équivalence, une forme de reconnaissance réciproque, beaucoup plus restreinte et révocable dans un délai d’un mois. S’il n’est pas aisé d’évaluer l’effet du basculement des plateformes sur les emplois à Londres, il devrait très certainement affaiblir la position dominante de la City en tant que centre financier européen. La crainte des émetteurs souverains est que tous les experts en obligations gouvernementales ne soient pas réellement disposés à animer le marché, à cause des coûts qu’implique une nouvelle localisation des activités. C’est en ce sens que Cristina Casalinho, la responsable de l’Agence portugaise de la dette publique, a informé que le Brexit augmenterait les prix de financement, non seulement pour les États, mais aussi pour les contribuables.
La semaine passée, les régulateurs européens ont eux aussi affirmé qu’ils s’activaient dans les préparatifs dans le cas où le Brexit se fera sans accord, afin de s’assurer que les opérations transfrontalières qui portent sur des milliards de dollars sur les dérivés de taux ne souffrent pas de perturbations.
27 novembre 2018 La Rédaction