La justice française a procédé à la confiscation d’une partie des indemnités de départ de Bruno Lafont, l’ex-PDG du groupe français Lafarge ainsi que de trois autres ex-dirigeants, tous mis en examen sur des soupçons de financement d’une organisation terroriste en Syrie.
Bruno Lafont qui a occupé le poste de directeur de la cimenterie pour la dernière fois avant sa fusion en 2015 avec le concurrent suisse Holcim, s’était vu octroyer par le Conseil d’Administration du groupe une somme de plus de 8 millions d’euros dont 5,9 millions d’euros en indemnités de départ et une extraordinaire rémunération de 2,5 millions d’euros, pour son rôle important dans le cadre de cette fusion. Les juges d’instruction, en accord avec le ministère public de Paris, ont émis l’ordre de la saisie du montant de 2,475 millions d’euros de cette somme, d’après les informations fournies par France Inter.
Les autres dirigeants en cause sont Frédéric Jolibois et Bruno Pescheux, les deux ex-directeurs de Lafarge Cement Syria, ainsi que Christian Herrault, l’ancien directeur général adjoint du cimentier, responsable d’un certain nombre de pays parmi lesquels se trouve la Syrie. Cette ordonnance prise à titre conservatoire a pour but de garantir la mise à exécution d’une peine additionnelle de saisie de l’essentiel de leurs biens, dans l’unique cas où ils feraient l’objet d’autres condamnations. Les sommes confisquées serviront à l’alimentation du FGTI, le fonds d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions.
Le montant total de la saisie s’élève à environ 4 millions d’euros. Chacun des quatre responsables mis en examen a fait appel de la décision des juges après avoir obtenu de favorables réquisitions auprès du Parquet de Paris.
La justice mène une enquête concernant les conditions du maintien en activité entre 2013 et 2014, avant l’absorption par le suisse Holcim, de l’usine de Lafarge à Jalabiya dans le nord de la Syrie, une région occupée par le groupe terroriste Etat islamique (EI). Elle s’intéresse tout particulièrement à l’argent versé par le cimentier à des groupes armés, en particulier l’EI, via des intermédiaires, afin d’assurer la bonne marche de l’usine et la circulation des employés ainsi que des marchandises. La somme globale de ces versements s’élèverait à 13 millions d’euros à peu près.
Elle examine par ailleurs le probable achat de matières premières auprès d’intermédiaires en relation avec ces organisations. L’ONG Sherpa, à l’origine de l’une des plaintes ayant donné lieu à la procédure actuelle contre Lafarge et certains de ses ex-dirigeants, s’est dite ravie de ce qui, selon elle, est un signe positif de l’évolution de l’instruction. A la fin mois de juin dernier, la société Lafarge SA avait déjà fait l’objet d’une information judiciaire « pour financement d’une entreprise terroriste ». Quatre autres dirigeants impliqués dans ce dossier, dont l’ancien PDG de LafargeHolcim, Eric Olsen, ont été épargnés par les juges.