Présenté le 15 octobre 2014 en Conseil des Ministres, le projet de loi pour l’activité d’Emmanuel Macron a tout de suite fait couler beaucoup d’encre ; professions réglementées, transports, épargne salariale, licenciement collectif, etc. Mais une mesure attire plus l’attention des entreprises et de leurs salariés : le travail du dimanche et en soirée.
Après son adoption en commission spéciale le 19 janvier dernier, l’examen du projet de loi pour l’activité, la croissance et l’égalité des chances économiques par l’Assemblée nationale a débuté ce lundi 26 janvier. Plus de 100 articles et 1700 amendements. Un pavé dans la mare jeté en ce début d’année civile dont un point attise les débats.
Le principe amené dans le projet de loi est simple : alors que l’ouverture des commerces est aujourd’hui autorisée 5 dimanches par an ; il est proposé d’autoriser leur ouverture jusqu’à 12 dimanches annuellement avec l’aval du Maire ou de l’intercommunalité, sans pouvoir descendre en-dessous de 5 jours d’ouverture. De plus, il y est défini 600 zones touristiques internationales et plusieurs grandes gares qui pourraient ouvrir leurs boutiques tous les dimanches du calendrier, et ce jusqu’à minuit.
Charges aux partenaires sociaux de trouver des accords et poser les règles salariales et/ou de repos compensateur pour les salariés volontaires au travail dominical et de soirée dans les trois ans qui suivront l’adoption (fort probable) de tout ou partie du texte de loi.
Emmanuel Macron n’est pas l’instigateur direct de ce projet. En effet, c’est en juillet que son prédécesseur Arnaud Montebourg avait amorcé le dît projet ; annonçant pouvoir dégager 6 milliards d’euros pour les français. C’est donc à son compte que le ministre de l’économie reprend les grands axes des idées de celui qui prônait le « made in France ». Seul son nom ou presque a changé, passé de « loi sur la croissance et le pouvoir d’achat » à « loi pour la croissance et l’activité ». Quant au travail dominical à proprement parlé, les grandes lignes se trouvaient dans le Rapport Bailly, dont Jean-Marc Ayrault avait charge.
L’idée d’un travail dominical est clairement amenée par la position de la France. Le pays et son économie se tertiarisent et s’affirment comme le pays le plus touristique. La France voit l’arrivée de 85 millions touristes internationaux (Chiffres clés du tourisme 2013) (20% de plus que les USA), mais en génère des revenus moindres, 3 fois inférieurs à ceux des Etats-Unis (42 milliards contre 130 milliards). C’est donc principalement sur cette « lacune » que Macron veut agir.
Des zones dérogatoires, dites zones touristiques, dénombrées autour de 600, seront définies. Cette carte se tracera par arrêté en concertation avec les mairies des communes prises en compte. Pour elles, comme pour les grandes gares, le travail dominical et en soirée sera possible toute l’année. Notons que ce principe est déjà en place dans les aéroports. Le touriste étant volatile, les facilités de transport aidant, cette démarche vise clairement à éviter que ce dernier fuit les zones touristiques hexagonales vers les capitales européennes, et continue donc de dépenser sur le sol français.
Le Ministère de l’Economie annonce que la mise en place de ce dispositif permettrait « d’augmenter de 3,1% le nombre d’emplois dans les quelques 500.000 commerces de détail » et augmenterait le CA des commerces (+20% en moyenne qu’un jour de semaine).
Le potentiel financier que dégagerait la loi est difficilement quantifiable en l’état ; chaque zone ayant ses particularités. Au nord-est, cette loi permettrait de contrer l’offre commerciale Belge à laquelle cèdent les nordistes ; à Paris, les grands magasins ouverts ne laisseraient plus filer la clientèle chinoise, japonaise ou russe vers d’autres capitales comme Londres ou Milan.
“Le repos dominical reste la règle. C’est essentiel pour la vie sociale et familiale” précise une infographie de gouvernement.fr.
Actuellement, les salariés qui travaillent le dimanche ou jusqu’à minuit n’avaient droit à aucune compensation particulière. Dans l’hypothèse d’une mise en place, ils y auront droit (via des accords collectifs, cf. paragraphe 1) par une rémunération supérieure ou un repos compensateur. De plus, la « condition absolue” sera le volontariat du salarié, annonce le ministère. Les défenseurs de ce point du projet de loi pointent notamment les changements des modes et rythmes de vie. Aujourd’hui, les consommateurs ont la possibilité de commander en ligne 7 jours sur 7, les sites de vente en ligne sont les réels concurrents des commerces. De plus, forcés de constater que les consommateurs fréquentent assidument les supermarchés les dimanches matins.
A l’inverse, on avance la mort lente du jour de repos commun, les risques pour les boutiques des centres-villes, la perte des acquis, un important recul social.
Pourtant 69% des français se montrent favorables (sondage CSA 2013) à cette mesure et contrairement aux idées reçues, « 31% des salariés travaillent le dimanche», explique Macron se basant sur les chiffres de 2010. N’allons-nous d’ailleurs pas au supermarché, au café, au cinéma, au restaurant, en jardinerie, au parc d’attraction, etc. le dimanche ? N’empruntons-nous pas des moyens de transports collectifs ?
En tout état de cause, Emmanuel Macron s’attaque à un point sur lequel, au même titre que le système éducatif, beaucoup se sont déjà cassés les dents.