Dans un contexte de guerre technologique entre les États-Unis et la Chine, l’Éthiopie est devenue le nouveau terrain de jeu des deux superpuissances. Dans le cadre d’un projet de libération du secteur des télécoms, l’État africain a annoncé samedi avoir confié la construction de réseaux 4G et 5G à un consortium soutenu par l’État américain. Un marché qui a été remporté au détriment d’un autre consortium financé par Pékin, alors même que le paysage économique de l’Éthiopie est dominé par la Chine.
Comme la plupart des pays africains, l’Éthiopie a confié, au cours des 20 dernières années, le financement et le développement des infrastructures à la Chine. De 2000 à 2018, les prêts accordés par l’Empire du levant à l’État éthiopien s’élèvent à 14 milliards de dollars. La majeure partie de ces fonds ont permis de financer des projets dirigés par les plus grands groupes chinois de télécoms comme Huawei et ZTE. Pourtant, le consortium dirigé par le groupe sud-africain MTN, qui bénéficiait du soutien des financiers et d’équipementiers chinois, n’a pas réussi à convaincre les autorités éthiopiennes pour le projet de constructions de réseaux 4G et 5G.
Washington a apporté un soutien de poids au consortium dirigé par Vodacom, la filiale du groupe britannique Vodafone. Le financement de 8,5 milliards de dollars nécessaires au déploiement des réseaux 4G et 5G en Éthiopie sur les 10 années à venir a été accordé par la Development Finance Corporation (DFC). Il s’agit d’une jeune agence créée fin 2019 et dirigée par le département d’État américain dans le but de financer les projets de développement dans les pays à revenus faibles. L’ex-administration Trump a participé à la nouvelle impulsion de l’agence : combattre la Chine sur le terrain de la 5G.
Pour donner corps à ses ambitions, la DFC a injecté massivement de l’argent dans les projets des États afin de leur faire renoncer à la technologie chinoise. Ce qu’il faut savoir, c’est que la technologie chinoise à la fois efficace et abordable et c’est ce qui explique que les Etats se tournent vers Pékin pour obtenir le financement des infrastructures de télécommunications. La Chine s’est donné pour mission de mettre à la disposition des États les financements les plus avantageux pour qu’ils puissent acquérir les solutions alternatives Huawei et ZTE.
Dans le dossier éthiopien, la DFC a annoncé qu’il apportait son soutien au projet du Groupe Vodacom avec un financement de 500 millions de dollars, donnant ainsi l’opportunité aux équipementiers non chinois comme Samsung, Nokia ou Erikson. À cela s’ajoute le facteur très important du conflit au Tigré. La diplomatie américaine exerce une pression énorme sur son allié éthiopien. Le vendredi dernier, avant que la décision du régulateur éthiopien soit rendue, la DFC a précisé qu’elle portait une attention particulière à la situation inhumaine qui prévalait dans la région.
Cette diplomatie très agressive ayant pour but d’exclure la Chine des marchés nationaux des télécoms prévaut également hors du continent africain. Depuis le début du conflit, Washington a concentré ses efforts en Europe et fait de l’Europe de l’Est son nouveau terrain de jeu.